Éric Le Bourg Professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse Chercheur au CNRS, 
Avec un seul but idéologique. La réforme des retraites veut instaurer un système démographiquement idiot
Mercredi, 1 Août, 2018

Dans le système actuel, la pension de retraite (hors régimes complémentaires) peut être calculée à l’avance et, si les fonds sont insuffisants pour verser les pensions, on peut décider comme cela a été fait depuis 1993 d’augmenter les cotisations, les annuités ou l’âge de la retraite (on pourrait aussi augmenter le nombre de cotisants en diminuant le chômage, augmenter les salaires et donc les cotisations, etc.). En somme, on sait ce qu’on touchera, mais pas ce qu’on va payer, d’une manière ou d’une autre, jusqu’à la retraite. Avec un tel système, s’il y a plus ou moins de retraités, les déficits et les excédents sont possibles parce que l’ajustement des fonds perçus à ceux versés n’est pas immédiat.


Dans le nouveau système, les cotisations sont fixes, et chaque année on répartit ces cotisations entre les retraités : on sait ce qu’on paie mais on ne sait pas ce qu’on touchera à la retraite. Comme le montant de la pension (la « valeur du point ») est fixé chaque année en fonction des cotisations perçues et du nombre de retraités, si le nombre de retraités augmente, les pensions peuvent baisser.
À l’inverse, si le nombre de retraités diminue, les pensions peuvent augmenter. Ici, il n’y a pas de déficit ou d’excédent puisque les cotisations reçues couvrent exactement le montant des pensions versées, et c’est donc très intelligent d’un point de vue comptable. Hélas, c’est démographiquement idiot car ce système revient à privilégier un but idéologique (« zéro déficit ! ») quelle que soit la structure par âge de la population.
En 1945, le problème des retraites n’était pas essentiel, mais par contre il fallait construire des millions de logements et accueillir les enfants du baby-boom. Imaginons que les gouvernants de l’époque aient tenu le même raisonnement que celui des promoteurs des régimes de retraite à cotisations définies, en décidant
de consacrer chaque année une proportion invariable du budget national à l’éducation et au logement, afin de ne jamais faire déraper le déficit public. Le résultat aurait été très simple : le déficit public aurait été nul, année après année, et la France se serait couverte de bidonvilles habités par des familles dont les enfants auraient eu une scolarité plus que limitée dans des conditions épouvantables. Fort heureusement, les gouvernants de 1945 voyaient plus loin et, bon an, mal an, le pays s’est couvert de logements et le niveau d’éducation a bondi.
Le système de retraite à cotisations définies est un délire de comptable ignorant totalement la structure par âge de la population : le but d’un système de retraite performant est de permettre aux personnes âgées de vivre dans des conditions normales, pas d’afficher un bel indice comptable. Paraphrasant le général de Gaulle, on pourrait dire : bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « Zéro déficit ! Zéro déficit ! Zéro déficit ! »… mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien.
Éric Le Bourg
Chercheur au CNRS, université de Toulouse
Il est encore difficile de connaître les intentions exactes du gouvernement sur un certain nombre de questions liées à la réforme des retraites, mais une chose est cependant acquise : la mise en place d’un régime de retraite à cotisations définies remplaçant le système actuel à prestations définies.
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