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De moins en moins de médecins et de plus en plus de besoins. Comment répondre à la demande quand tout semble partir à vau l’eau ? La société a évolué, les politiques de santé doivent suivre le mouvement. Encore faut-il le décider.

Depuis 20 ans, des mesures soi-disant incitatives sont prises par les pouvoirs publics pour tenter de trouver une solution aux déserts sanitaires. Force est de constater que les régions alors les plus en manque sont encore plus en difficulté aujourd’hui. Pourquoi ? La question est assez simple, elle fait l’objet de controverses depuis deux siècles : le marché s’autorégule-t-il ? Et bien, la réponse est non, dans ce domaine comme dans le reste de l’économie.


La santé ne peut relever des règles du marché

Or les fondements de la médecine libérale en sont issus, à savoir la liberté d’installation et la rémunération à l’acte avec les dépassements d’honoraires. Cette situation a été aggravée par le maintien d’un numerus clausus (limitation du nombre de médecins formés) à partir du tournant de la rigueur des années 1980, où les objectifs des libéraux rejoignaient ceux des représentants des praticiens. D’un côté, les experts expliquaient qu’il fallait réduire le nombre de médecins formés, ce qui diminuerait le nombre de prescripteurs, donc les dépenses de l’Assurance maladie et donc son fameux déficit. De l’autre, une corporation défendant ses intérêts selon les lois du marché : le gâteau à se partager étant limité, il faut réduire le nombre de convives pour que la part de chacun se maintienne à un bon niveau.
L'évolution de notre socété

Par ailleurs, d’autres éléments sont à prendre en compte, au-delà du nombre absolu de médecin. Leur mode d’exercice ainsi que leur mode de vie ont changé. Le modèle du généraliste avec un logement jouxtant son cabinet et disponible 24h sur 24 est en train de disparaître. Les évolutions techniques ont privilégié la formation des spécialistes au détriment des généralistes qui sont aujourd’hui de moins en moins nombreux, alors que les besoins augmentent au regard du vieillissement de la population. En effet, l’essentiel de l’activité, aujourd’hui, est concentrée sur la prise en charge de patients de plus de 50 ans, atteints de maladies chroniques. L’objectif n’est plus de guérir, mais de maintenir en meilleur état de santé possible le plus longtemps possible. Et dans ce domaine, le généraliste est essentiel en tant que coordinateur du parcours de soins dans lequel des spécialistes multiples interviennent ponctuellement.
La politique devrait suivre

Aujourd’hui, nous compensons en partie le déficit de professionnels par l’importation de médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger, dont de jeunes Français exclus de l’université et qui partent, quand leurs parents en ont les moyens financiers, faire leurs études dans un autre pays européen avant de revenir s’installer en France. Les chiffres du Conseil de l’Ordre des médecins sont révélateurs : près des 25% des jeunes médecins débutant leur carrière ont un diplôme obtenu à l’étranger !

Il y a donc urgence à changer radicalement de politique. Pour cela des solutions existent. Mais nos gouvernants se satisfont de cette situation qui entraîne un renoncement aux soins, en particulier pour les plus pauvres, de plus en plus important. De plus, la corporation médicale freine des quatre fers. Car toujours profondément attachée aux principes de la médecine libérale, elle n’intègre pas le fait que les médecins sont, de fait, des salariés indirects de la Sécurité sociale.
Vers les centres de santé

Depuis des années, la solution du salariat dans des centres de santé a montré sa pertinence. Cependant, son développement a été freiné par le mode de rémunération à l’acte qui n’intègre pas les frais de structure. De ce fait, aujourd’hui, malgré quelques améliorations, ces centres sont souvent déficitaires. Déficit qui doit être couvert par leur gestionnaire, notamment les collectivités territoriales ou les mutuelles. Alors que ces structures étaient décriées encore récemment avec l’argument des méfaits du « collectivisme », l’an dernier, le président LR du département de Saône-et-Loire, après avoir fait le constat de l’échec des autres solutions, a décidé de créer un centre de santé départemental avec des annexes, afin de répondre à la désertification médicale dans son département. Et cela marche !

Mais si les collectivités locales peuvent être les promoteurs politiques, ce n’est pas à elles de gérer et de payer ces structures. Ce doit être le rôle des ARS, sous la tutelle du ministère de la Santé, de réguler la répartition des médecins sur le territoire. La création de centres de santé serait, alors, la priorité dans l’organisation de l’offre de soins, en limitant la liberté d’installation en cabinet ou en maison de santé. Ces dernières ne sont que le regroupement de cabinets libéraux, qui, au mieux, évitent le départ des derniers médecins présents sur un territoire. La proposition d’utiliser les hôpitaux de proximité comme support des centres de santé va dans le sens d’une approche territoriale, globalisant la réponse aux besoins en abaissant la barrière qui sépare trop souvent hôpital et médecine de ville.Un autre argument important est que les jeunes médecins ont très peu d’appétence pour l’installation en libéral, alors que les postes de médecins salariés trouvent facilement des candidats.
Une autre manière d’exercer

En effet, la nouvelle génération souhaite un exercice dans des structures pluri-professionnelles où ils peuvent collaborer avec d’autres collègues médicaux et paramédicaux et où ils sont dégagés des tâches administratives. Par ailleurs, le lien entre centres de santé, Ehpad et hôpitaux de proximité permet de répondre à deux objectifs : le recrutement de médecins dans ces établissements qui en manquent cruellement et une activité mixte souvent très appréciée par la nouvelle génération médicale.

Enfin, bien entendu, il faut supprimer le numerus clausus afin de permettre aux 60 000 jeunes qui s’inscrivent chaque année en Paces (première année commune des études de santé) de pouvoir tous trouver une place dans les métiers de la santé. Continuer à limiter le nombre de médecins formés à un peu plus de 8 000 par an seulement est un scandale, tant pour la population que pour les jeunes étudiants.

Dr Christophe Prudhomme


 

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