intersyndicale HCFEA

Contribution des organisations : CGT, FGR-FP, FSU, FO,

UNRPA- Ensemble&Solidaires.  

à la concertation sur la création
d’une branche « Autonomie » de la Sécurité sociale


C’est un dossier d’importance. Si nous tenons à saluer le travail effectué par le HCFEA et à dire que nous nous retrouvons dans un certain nombre de remarques de la note présentée par le Président Bertrand Fragonard, nous prenons note que le questionnaire de Monsieur Vachey ne choisit pas de s’inscrire dans le cadre unique de la Sécurité sociale, cadre que nous avons toujours défendu.

Nous sommes surpris que la lettre de mission du ministre des solidarité et de la santé, du ministre de l’action et des comptes publics ainsi que du secrétaire d’État chargé des personnes handicapées ne fasse aucune allusion aux rapports produits ces derniers mois sur le sujet du Grand Âge.

Le rapport de Dominique Libault, effectivement, évoque le financement d'un nouveau risque de protection sociale en précisant que la solidarité nationale pourrait jouer un rôle prépondérant et intégrer ce risque de perte d'autonomie dans le champ des lois de financement de la Sécurité sociale. Nous nous étonnons que la lettre de mission n’évoque pas la convergence et, donc l’unification des statuts de handicapés et des personnes âgées en perte d’autonomie. La prise en charge de la perte d’autonomie doit s’opérer sans condition de ressources ni d’âge.

Quelles que soient les décisions futures de la loi (le texte n’est pas adopté définitivement) et les réponses demandées pour une seule option de création d’une cinquième branche, nous reprenons les positions et les raisons du choix que nous avons défendues fin 2018 devant le HCFEA : intégration du risque aide à l’autonomie dans la branche maladie, financé par les cotisations et pris en charge à 100% par la sécurité sociale dont la gouvernance est assurée par les partenaires sociaux.

Il est important de rappeler que la perte d’autonomie d’un individu est l’état d’une personne qui, du fait de limitations de ses capacités motrices, mentales, psychiques ou sensorielles, rencontre des difficultés ou des obstacles dans sa vie quotidienne qui compromettent son autonomie en l’absence de compensation. La perte d’autonomie est définie comme un état durable de la personne entraînant des incapacités pour réaliser les actes de la vie quotidienne.

La situation de perte d’autonomie d’une personne peut arriver à tout âge. Elle peut être une situation de naissance. Elle peut résulter de maladies et/ou d’accidents, éventuellement en liaison avec la vie professionnelle. Elle peut être liée au grand âge et à une accumulation de dégradations physiques et/ou mentales d’une personne (maladies neurodégénératives notamment). Elle est une conséquence de cette maladie, de cet accident ou du grand âge. Elle fait partie des aléas de la vie, tout comme les risques maladie, maternité, invalidité, décès.

Nous tenons à préciser que cette demande s’inscrit dans le cadre de l’architecture actuelle de la Sécurité sociale. Nous nous inquiétons notamment de « la création d’une branche autonomie qui impose de revoir le champ de la sécurité sociale tel qu’il figure à l’article L.111-1 du code de la sécurité sociale » (point 1.2 du questionnaire de Monsieur Vachey) et de la proposition de « prévoir la réaffectation des recettes de la branche maladie vers la nouvelle branche autonomie » ( point 1.1 du questionnaire).

Nous affirmons l’universalité de l’Assurance maladie qui concerne toutes et tous sans conditions de ressources. Il s’agit de la renforcer et d’y intégrer la réponse aux besoins de la perte d’autonomie.

Nous nous inscrivons dans les principes qui ont prévalu lors de la création de la Sécurité sociale, c’est-à-dire la prise en compte des aléas de la vie de la naissance à la mort. A ce titre, le risque autonomie, aléa de vie, s’intègre naturellement dans la branche maladie de la sécurité sociale.

Le questionnaire « financement » avance un certain nombre de pistes fondées sur des mesures d’économie ou des prélèvements obligatoires : agglomérat de mesures aléatoires alors que la perte d’autonomie a besoin d’un haut niveau de financement pérenne et doit reposer sur la solidarité nationale. De ce fait, nous refusons ces hypothèses notamment :

  • la proposition d’une contribution spécifique finançant le risque perte d’autonomie ainsi que le recours à une seconde journée de solidarité ou à l’augmentation de la CASA ;
  • le recours à de nouvelles sous indexations des pensions de retraites ;
  • l’alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs et la suppression de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraites voire l’abaissement du plafond à 2 500 euros ;
  • l’hypothèse d’une ouverture à des complémentaires, notamment aux assurances privées, sources d’inégalités quand elle n’est pas universelle, sans condition d’âge et de ressources ;
  • l’hypothèse du recours sur succession, prêt hypothécaire, prêt hypothécaire viager qui font reporter le financement de la perte d’autonomie sur la responsabilité individuelle ;
  • le recours au fonds de réserve des retraites qui a pour seule vocation de participer aux financements des retraites.

La perte d’autonomie doit être traitée de manière globale et non ségrégative. Elle nécessite une vraie politique publique articulant prévention, dépistage et prise en charge solidaire avec un droit universel de compensation de la perte d’autonomie.

Nous sommes conscients qu’une amélioration et un élargissement des prises en charge par l’assurance maladie impliquent un renforcement de ses recettes.

Notre réflexion s’engage également dans le cadre d’un payeur unique (la Sécurité sociale) et d’une gouvernance unique, intégrée dans la Sécurité sociale, la CNSA qui devra élargir sa représentativité actuelle très éloignée des autres branches de la sécurité sociale. Nous revendiquons la création d’un service public de l’aide à l’autonomie qui serait chargé d’offrir à toutes les personnes, sur la totalité du territoire national, des services de qualité et dans les mêmes conditions. La présence d’un tel service public de l’aide à l’autonomie éviterait aux aidant.e.s, dont le rôle est indispensable, d’être trop souvent, épuisé.e.s physiquement et psychologiquement.

Le constat est fait d’une diversité des politiques des départements qui pourrait être résolue par une règle nationale et des financements suffisants pour répondre aux besoins des personnes concernées et de la progression de leurs effectifs.

La crise sanitaire récente que nous venons de vivre, notamment au sujet des difficultés rencontrées dans les EHPAD, nécessite une réponse globale prenant en compte l’ensemble des problématiques liées à la perte d’autonomie et au handicap.

Il apparaît que le gouvernement prévoit d’augmenter le financement de la perte d’autonomie en réorientant, à partir de 2024, 2,3 milliards d’euros de CSG depuis la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) vers la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie).

Le projet de loi prévoit de transférer la dette sociale à la CADES. Pour amortir cette dette, la date d’échéance de la CADES est reportée de 9 ans (de 2024 à 2033), et ses recettes sont prorogées (à l’exception d’une fraction de la CSG attribuée à la future branche perte d’autonomie) : à partir de 2024, la CADES ne percevrait plus que 0,45 point de CSG au lieu de 0,6 point actuellement, cette somme de 2,3 milliards d’euros actuellement affectée à la CADES étant attribuée à la 5e branche dédiée à la perte d’autonomie. L’essentiel du coût de la crise sanitaire est donc à la charge de la sécurité sociale.

Le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) s’est positionné le 14 mai 2020 contre un brusque alourdissement de sa dette en 2020. Il considère que la « dette Covid » devrait échoir à l'État, lequel, s’il emprunte lui-même, paie moins cher les taux d’intérêts, et surtout n’a pas à « amortir » sa dette, en clair, il n’a pas à rembourser le capital, contrairement à la CADES. Le Haut Conseil a ainsi suggéré de distinguer l’exceptionnel du courant, le déficit lié à la crise étant repris par l’État. La solution serait avantageuse à tous les égards : en effet, l’État emprunte moins cher que les agences sociales ; le taux de l’emprunt d’État à 10 ans est même négatif, ce qui aurait permis à l’État de ne rien payer pendant 10 ans. Inversement, la solution choisie entraînera une ponction annuelle des comptes de la Sécurité sociale de 17 milliards pendant 14 ans pour l’amortissement de la dette sociale, ce qui fera défaut aux malades, aux retraité.e.s, aux soignant.e.s, à hôpital public et au financement de l’aide à l’autonomie.

Il est totalement illégitime de faire supporter à la Sécurité sociale, le coût de cette crise sanitaire, qui relève d’un « aléa exceptionnel » et doit être traité comme tel.

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